La broderie, c'est un antistress !"
Mick Fouriscot, présidente de la Fédération française des dentelles et broderies, et auteur de nombreux ouvrages de broderie, nous explique comment elle voit l'avenir de cette activité millénaire...
Pourquoi y a-t-il un regain d'intérêt pour la broderie ?
Mick Fouriscot : Il y a un regain d'intérêt pour la broderie, comme pour tous les métiers manuels : la reliure, le tricot, la dentelle… Les femmes ont besoin de repères, et ces repères sont dans le passé, la tradition. La vie d'aujourd'hui nous emporte dans un tourbillon, et nous perdons un peu pied. Nous avons besoin de nous ancrer dans quelque chose qui a traversé les siècles. Les femmes s'expriment à travers la broderie. Je crois que la passion de la broderie procède aussi d'une grande inquiétude. La broderie, c'est un anti-stress ! Ca demande le silence, de pouvoir faire le vide. Enfin, la broderie sert aussi parfois à briser l'isolement, à travers les contacts et les amitiés que l'on peut nouer en club. Il y a énormément de clubs en France ; dans les villages les plus reculés, il n'est pas rare d'en trouver...
Comment peut-on se mettre à la broderie ?
Généralement, on commence en apprenant les points de base, en remettant ses pas dans les pas des anciennes. Une fois qu'elles maîtrisent la technique, les plus douées veulent créer. Même avec des techniques simples, comme le point de croix, on arrive à faire des choses fabuleuses. En visitant des expositions, je suis toujours surprise de voir tout ce que ces femmes ont pu réussir à créer, à imaginer.
Que conseilleriez-vous à une débutante ?
Je pense que la bonne démarche pour une débutante, c'est le point de croix. Elle apprend ainsi à tenir l'aiguille, avec plus ou moins de légèreté. Après, chacune apprend à son rythme, et réfléchit si elle veut se spécialiser dans une technique. Car les techniques de broderie sont de véritables mondes : quand on y rentre, on n'en voit pas la fin. Derrière chaque technique, il y en a encore une autre, et l'on n'a jamais fini de vouloir découvrir et d'apprendre…
Quelles sont les grandes catégories de broderie ?
Il y a énormément de déclinaisons, mais les socles sont ces 4 techniques-ci : la peinture à l'aiguille, le Lunéville, la broderie haute couture, et la broderie blanche. Mais aujourd'hui, les créateurs ne se servent plus uniquement de l'aiguille, ils utilisent le thermocollage, le flocage, toutes sortes de nouvelles techniques… Je ne sais pas si elles dureront autant que les fils traditionnels, mais c'est une évolution intéressante. Enfin, n'oublions pas qu'à côté de la broderie main, utilisée pour des pièces uniques, existe la broderie mécanique, qui sert plus pour le prêt-à-porter ou l'ameublement.
Comment voyez-vous l'avenir de la broderie ? Malheureusement, la broderie coûte cher, car elle demande beaucoup de temps. Nous allons devoir de plus en plus faire face aux problèmes de prix et de concurrence. Je pense que l'on va revenir au siècle de la Renaissance, c'est-à-dire à la broderie pour le plaisir et non plus pour le commerce. Il restera des maisons-phares, mais les immenses ateliers, c'est fini. Et, comme elles ne sont pas faites en vitesse pour des questions de rentabilité, les broderies faites pour le plaisir sont beaucoup plus soignées, plus minutieuses.
Est-ce une activité chère ?
Cela peut être cher ou bon marché. On commence avec peu de choses, et puis cela devient une véritable drogue… Il faut faire attention ! Saviez-vous qu'en Belgique, au XVIIIe siècle, le bourgmestre avait édité une loi demandant aux domestiques de ne plus broder, car elles y passaient tant de temps qu'elles ne travaillaient plus à la maison ? Je connais des femmes qui se sont adonnées à leur passion au point d'oublier tout le reste. Certaines économisent toute l'année pour pouvoir aller à tel rassemblement de broderie. Les femmes, aujourd'hui, ont envie de se faire plaisir, à elles - et tant mieux…
Quelles sont les qualités d'une bonne brodeuse ?
La toute première, c'est d'avoir envie. Ensuite, d'avoir de la volonté. Enfin, il faut être méticuleuse, appliquée. Certaines vont s'isoler pour broder, mais je crois aussi qu'une bonne brodeuse doit avoir envie de se confronter. Au plus haut niveau, le concours des meilleurs ouvriers de France, atttire toujours plus de brodeuses qui atteignent les sommets. Mais à part cela, il faut aller dans des expositions, dans des clubs, voir ce qui se passe, découvrir les techniques des autres… C'est grâce aux rencontres que l'on s'enrichit.
En savoir plus
Le site de la Fédération Française des Dentelles et Broderies :
www.ffdb.net